Il a morflé, Daniel Picouly
Sans ménagement ni autre truc du même genre, laissez moi vous livrer une info qui va bouleverser vos vie à jamais.
(Déjà,
l'attraction de la vanne est palpable. Il y a tout pour que je puisse
sortir une connerie: "A la tête de l'équipe de France, Raymond Domenech
est remplacé par Jean Sarkozy" ou encore "Pete Doherty est le fils
caché de Zelda Fitzgerald et Serge Gainsbourg", mais non, mon Dieu, je
ne le ferais pas. Restons dans le vrai.)
Donc, une nouvelle choc qui va vous retourner les boyaux: Daniel Picouly quitte Grasset pour Albin Michel.
Ca
fait quelques temps que Picoucou restait dans un anonymat statique, et
pour être tout à fait franc, ce n'était pas pour me déplaire. Après son
dernier bouquin à la jaquette multicolore montrant qu'au fond, la
couverture jaune des Grasset est suffisante, après quelques émissions
où il invite des auteurs que plus personne ne lit en dehors de ceux qui
recoivent les services de presse et qui ne les revendent pas, Coucouly
restait an arrière plan, presque aussi discrètement que Benchetrit.
Mais Benchetrit, il est discret parce que même éveillé, il se cache
derrière ses mains pour qu'on ne sache pas qu'il est là.
Au fond,
c'est bien de faire un coup de com pour rien, comme si on avait
l'espoir en lancant un caillou dans la mare de faire plusieurs
ricochets avant d'entendre un "ploc" sourd, ca rappelle que Pipicou
existe encore, voire même qu'il va bientôt sortir quelque chose.
D'ailleurs il devrait me remercier de parler de lui ici, de refléter
injustement un petit encart dans Livres Hebdo, en péripohérie d'une
page, dans un encadré beige fait pour que personne ne le lise, encore
moins quand il y a le portrait de Picouly à côté.
Ca me rappelle
d'ailleurs, qu'un matin, juste avant d'ouvrir, j'ai donné un coup de
coude à mon collègue qui fumait sa dernière clope avant celle du midi
en lui disant que "Dis donc, il a morflé, Picouly."
En effet,
passait devant nous un mec qui lui ressemblait vachement, et j'étais
persuadé de sortir une connerie qui devait ne pas être sympa pour le
passant en question qui n'entendait pas encore ce que disaient les deux
glandus qui attendaient l'heure pour ouvrir le magasin. C'est une sorte
de fil rouge entre le dit collègue, qui est parti après avoir trop
estimé ce qu'il aurait mieux fait de ne pas estimer, trouver un
passant, associer sa tête à une personnalité has been que l'anonymat a
ravalé avec vigueur et de dire qu'elle a morflé. Même si on sait que la
personne qui passe n'est pas elle.
Dans le cas présent, Picouly
s'imposait. Le mec lui ressemblait, le jogging informe qu'il portait,
et que personne au monde ne met pour sortir dans la rue, même le
dimanche, la barbe de trois jours qu'on ne lui connaissait pas, les
yeux qui flottaient mollement dans la graisse de bines, j'étais fier de
ma trouvaille.
Pourtant, au fur et à mesure qu'il se rapprochait et
que les traits de son visage se précisaient, c'est devenu comme une
évidence. D'ordinaire, ceux qui ressemblent de loin aux gens connus ne
leurs ressemblent pas de près, c'est ce qui les sauvent, d'ailleurs,
pour peu qu'ils ressemblent à Jean-Pierre Castaldi.
C'était bien
lui, ce jour là. Ce qui me fait dire une petite chose: vivement qu'il
republie quelque chose, au fond. Certes, ca ne servira pas la
littérature et ca encombrera tous les étals de toutes les librairies,
mais au moins, il retrouvera une tête correcte et un vrai pantalon. Un
peu de dignité, en somme.